Reproduction Originale – Papiers Cadeaux BNF
Rencontre avec une conservatrice de la BNF
Un métier mal connu
Parlez-nous un peu de vous, de votre formation et de vos activités quotidiennes, pourquoi ce choix d’époque d’étude en particulier, de vos interventions à l’école du Louvre.
« Je suis historienne de l’art de formation. J’ai étudié à l’Ecole du Louvre et soutenu une thèse sur François Chifflart, un peintre-graveur du XIXe siècle, puis j’ai passé le concours de conservateur des bibliothèques ce qui m’a permis d’intégrer la Bibliothèque nationale de France, en 1994. Rapidement, j’ai eu la chance de gérer les collections d’estampes du XIXe siècle au sein du département des Estampes et de la photographie. Il s’agit d’un fonds immense de 2 millions de pièces incluant aussi bien la production courante -à laquelle appartiennent les papiers de fantaisie- que les chefs d’œuvre des maîtres de l’estampe, tels Delacroix, Manet, Degas ou Toulouse-Lautrec. »
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Les trésors de la BNF
Riches de quinze millions d’images, les collections du département des Estampes et de la photographie de la Bibliothèque nationale de France offrent un panorama varié de l’art du multiple, représentatif de toutes les écoles et de toutes les techniques. À côté des grands noms de l’histoire de l’estampe, d’innombrables feuilles témoignent des usages variés de l’image imprimée parmi lesquels leur application aux différentes branches des arts et métiers. Ces feuilles à durée de vie limitée, regroupées sous le terme d’ephemera, n’avaient pas vocation à être conservées. Grâce à l’application de la loi sur le dépôt légal, obligeant tout imprimeur à déposer deux exemplaires de sa production, la Bibliothèque nationale en est devenue le conservatoire. La section dévolue aux arts du papier, qui côtoie celles du bois, du métal, de la céramique et des tissus, forme une part importante de la série consacrée aux arts et métiers.
Au quotidien
En quoi consiste votre travail ?
« Mes missions principales consistent à veiller à la bonne conservation de ce patrimoine imprimé, à l’enrichir le cas échéant par l’acquisition de pièces faisant défaut aux collections, à l’inventorier et le numériser afin de le rendre accessible au plus grand nombre, tout en l’étudiant et le valorisant par le biais d’expositions, de publications et d’enseignements dispensés au sein du département ou à l’Ecole du Louvre. »
Auteure : Mme Valérie Sueur-Hermel, conservatrice au département des Estampes et de la photographie de la Bibliothèque nationale de France, chargée des collections du XIXe siècle.
La passion de l’estampe
Qu’est-ce qui vous passionne dans votre métier ?
« Le contact quotidien avec les estampes et la possibilité de découvertes d’artistes inconnus ou d’œuvres encore ignorées sont un des attraits de mon métier. Mais ces recherches ne prennent tout leur sens que grâce au partage avec le public de la BnF, les étudiants, les stagiaires ou les visiteurs des expositions dont je suis commissaire. L’estampe est un médium peu connu qu’il m’importe de faire connaître en multipliant les canaux. L’édition d’une sélection de « papiers de fantaisie » par Impression originale en est un. »
Les papiers de fantaisie du xixe siècle
C’est sous l’appellation de « papiers pour cadeaux » que les bibliothécaires du xxe siècle ont rangé les feuilles imprimées de motifs décoratifs qui évoquent celles utilisées alors pour emballer les cadeaux. Trois boîtes classées chronologiquement, de 1810 à 1895, témoignent de l’abondance de la production au xixe siècle de ces « papiers de fantaisie », selon la désignation courante de l’époque. Cet essor coïncide avec celui de la lithographie, technique d’impression à plat, fondée sur le principe de répulsion naturelle de l’eau face à un corps gras, inventée par Senefelder en Bavière en 1798, et diffusée en France autour de 1815. Le nouveau procédé a rapidement trouvé des débouchés dans les arts appliqués et industriels. La fabrication de ces papiers, imprimés à la planche, d’abord en noir et blanc puis en couleurs grâce à la mise au point de la chromolithographie en 1837, se fait manuellement avant d’être mécanisée dans les années 1880.
Travail de coloration par Impression Originale pour sa collection de 2021 sous l’appellation « la vie sous le 1er Empire« , à partir de la lithographie originale de J-F-L. Breffort datant de 1828.
Travail de coloration par Impression Originale pour sa collection de 2021 sous l’appelation « l’Oracle de Dodone« , à partir de la lithographie originale de J-F-L. Breffort datée dans les années 1830.
La naissance de la couleur en impression en France
La planche lithographique historiée, imprimée en noir, que Breffort dépose, en 1828, sous le titre de « pot-pourri de divers sujets, animaux, fleurs, etc., pour impression d’indienne », relève des débuts du genre. De petites scènes quotidiennes et facétieuses sont juxtaposées selon le procédé des macédoines en vogue dans l’édition lithographique de la période romantique. Jean-François-Louis Breffort est fabricant de papiers peints de fantaisie ; il imprime également sur des étoffes (indiennes ou philippines) et s’apprête à se lancer dans des décors pour cartonniers et éventaillistes, lorsque les événements tragiques du 14 avril 1834 interrompent brutalement sa carrière.
Il loge et exerce son métier au 12 de la rue Transnonain, dans une maison devenue tristement célèbre en raison du massacre de ses habitants par les troupes de Louis-Philippe, lors des manifestations républicaines parisiennes, dont une lithographie de Daumier a conservé le souvenir et dont le Mémoire sur les événements de la rue Transnonain dans les journées des 13 et 14 avril 1834 de Ledru-Rollin consigne le récit des témoins. L’imprimeur décède des suites de ses blessures le lendemain du drame, à l’âge de 58 ans. Son dossier professionnel, conservé aux Archives nationales, contient un spécimen d’impression à l’encre argentée sur papier rose qui témoigne d’un usage précoce et expérimental de la couleur. Impression Originale dans sa ré-édition en papier cadeau a choisi un fond argenté pour le papier cadeau « l’Oracle de Dodone » et une recoloration en fond noir pour la pochette cadeau du même motif.
France et Allemagne : pionniers dans le papier de fantaisie
Les « fantaisies » que J. David sort de ses presses de la rue de Barque dans le Marais, dans les années 1840, sont désormais colorées. En 1852, lorsque l’Encyclopédie-Roret publie le Nouveau manuel complet du fabricant de papiers de fantaisie rédigé par M. Fichtenberg, un fabricant ayant œuvré tant en France qu’en Allemagne, les deux patries du papier de fantaisie, la couleur domine un marché devenu florissant. Le premier chapitre est consacré à la « fabrication des couleurs » : « laque carminée, laque rouge, jaune, violette, imitation de bleu et noir, bleu de Berlin et bleu de Prusse, jaune de chrome fin » mais aussi « vermillon, mine orange, outre-mer, blanc de céruse, blanc d’argent, vert de Schweinfurt, bleu fin », auxquelles s’ajoutent l’or sous forme de feuilles et le bronze en poudre. Ce manuel pratique livre les secrets de fabrication des papiers marbrés, cailloutés, maroquinés, gaufrés, moirés, jaspés, satinés ou ornés de motifs dessinés.
Détail sur la lithographie originale de J. David datant des années 1840, reproduite par Impression Originale dans sa collection de papiers cadeaux en 2021 sous l’appellation « Verger Zinzinulant« .
Des motifs de papiers soumis à la censure
Au nombre des fabricants actifs sous le Second Empire et la Troisième République, la maison Baulant, installée elle aussi dans le Marais, rue Portefoin, s’impose avec des papiers écossais, des cachemires, des dentelles, des rosaces et des motifs végétaux, tous chromolithographiés. Ces décors d’apparence anodine n’échappent pas à la vigilance des bureaux de la censure, qui contrôlent chaque dépôt, et s’opposent, en juin 1866, à l’édition d’une planche représentant des fleurs de lis !
L’histoire du papier cadeau
Tous ces papiers aux coloris chatoyants et aux motifs délicats n’étaient pas destinés à emballer les présents que l’on s’offrait aux étrennes. Les cadeaux étaient enveloppés dans du tissu ou du papier blanc ainsi que se le rappelle George Sand : « Quelle émotion me causait l’enveloppe de papier blanc, car le père Noël était d’une propreté extrême, et ne manquait jamais d’empaqueter soigneusement son offrande. » (Histoire de ma vie, 1855). Les papiers de fantaisie servaient aux travaux de reliure, de cartonnage, de tapissage de boîtes. Celles des parfumeurs et des gantiers en étaient recouvertes. On réservait les papiers couchés de couleurs végétales au paquetage des produits alimentaires : les confiseurs y présentaient leurs douceurs.
Cadeau en forme ronde avec travail de plissage central, réalisé par Impression Originale à partir de sa collection de papiers cadeaux en partenariat avec la BNF « La Vie sous le 1er Empire« .
Pour découvrir d’avantage sur la BNF, retrouvez notre article dans le cadre de notre partenariat avec la Bibliothèque Nationale de France.